(L’Étoile Dix30, Brossard – mercredi 18 février 2009)
Contrairement à plusieurs humoristes associés au style absurde, André Sauvé prouve avec son premier spectacle que son univers tient la route pour 90 minutes. Sans la moindre longueur, l’énergumène à la chevelure ébouriffée cultivait le rire et la confusion, faisait usage d’une certaine poésie et d’un regard singulier sur la psyché humaine, et nous tenait en haleine à chaque détour.
Pour plusieurs spectateurs, nous ne connaissions que quelques bribes de l’univers déjanté d’André Sauvé à travers ses chroniques abracadabrantes à l’émission 3600 secondes d’extase ou ses quelques autres apparitions à la télé.
Mais si ces élucubrations biscornues nous portaient au rire en petites doses, une incursion complète dans la bulle d’André Sauvé s’avère être encore plus satisfaisante, et à plus d’un niveau. Pigeant à la fois dans la psychologie, dans la poésie, dans le slapstick et dans la dialectique, Sauvé se démarque du stand-up typique et de l’absurde en offrant une expérience beaucoup plus complète que le spectacle d’humour typique.
Dès le premier moment où il franchit la petite porte taillée à sa mesure dans son décor «Magrittesque», André Sauvé nous énumérait les règles pour faire un bon voyage dans son monde. Un monde où il fait bon larguer la logique, briser tout préjugé, détruire toute barrière mentale, et passer plus d’une heure à se cajoler l’imaginaire et embrasser la folie.
En premier numéro post-introduction, Sauvé nous parle des collections, révélant son pan un peu compulsif. Une bonne façon de se mouiller et d’admirer à quel point la gestuelle et la présence physique d’André Sauvé ajoutent à l’ensemble.
Son désormais fameux numéro sur la confusion – celui-là même qui l’a fait découvrir lors des Galas Juste Pour Rire – est une véritable merveille d’interprétation, légèrement renforci au cours des mois. Le chétif humoriste nous livre avec conviction un monologue bourré de virages abrupts dans les thématiques tout en maintenant un ton continu. Du grand coq-à-l’âne, fort bien maîtrisé. Une épreuve de force en soi.
Régistres variés
L’humoriste se fait parfois plus conventionnel, notamment en incarnant un testeur de pilules affecté par son métier. Son numéro sur la dépression, sans doute inspiré de sa réelle expérience, tient également plus du conteur anecdotique. Bien senti et livré avec une angoisse presque palpable, il arrive en moins de deux à nous émouvoir, à nous faire réfléchir et à nous faire rire aux larmes.
D’autres numéros se démarquent davantage dans leur forme, notamment son étonnante contorsion sur un sofa rouge en nous déblatérant un monologue où s’enchaînent les phrases vides. Bien servi par sa taille rachitique – et sans doute des années à pratiquer le yoga – André Sauvé se tord de mille et une façons sans interrompre son exposé.
Le clou de la soirée est sans doute son hommage à la poésie, en nous récitant des variations comiques sur quelques vers célèbres de Nelligan. Du joual au mime, l’humoriste fait preuve, une fois de plus, d’une grande créativité ainsi que d’une admiration pour la poésie.
Le public est reparti, la rate dûment dilatée et le cœur un peu serré suite à l’émouvante relecture du monologue du bonheur d’Yvon Deschamps, en rappel.