Mort, puis ressuscité, puis on ne savait plus trop, Jean Leloup est de retour comme si de rien n’était avec un album aussi mémorable pour sa pochette (contenant un étonnant récit de 16 pages dans le livret) que pour son contenu musical.
Qu’en est-il de cette pochette? Superbement illustrée (et texturée), elle contient un livret dans lequel la plume de Jean Leclerc se lance dans une longue réflexion/confession poétique où il s’explique en partie, dévoilant ses peurs de la scène et du son, avec humour, mordant et humilité.
Et la musique? Eh bien non seulement Jean Leclerc ignore-t-il cette «mort symbolique» qu’il avait annoncé pour son personnage de Leloup il y a six ans, mais il reprend également là où il nous avait laissé avec La Vallée des réputations, le plus récent album sous cette appellation, tout en utilisant quelques acquis de Mexico, seul album paru sous son véritable nom.
Les guitares acoustiques sont omniprésentes, les arrangements sobres, la voix parfois fausse qui racontent quelques histoires d’êtres humains amoureux, de couples petit-bourgeois heureux ou en querelle (Les Anges), d’êtres malheureux, embourbés dans une vie ordinaire (Comme ils me font peur)ou calamiteuse (Lucie).
« Rough mix »
Le tout baigne dans une production où règnent les imperfections. Le mixage est plutôt raboteux, brut, voire presque inachevé. Cet aspect jugé si important dans la confection d’un disque confère à ce Mille excuses des airs de maquette.
N’en déplaise aux puristes, ce «défaut», qui en agacera plus d’un, est très certainement assumé, volontaire. C’est une sorte de statement en soi, un pied de nez à la musique populaire léchée et formatée, livré avec plus de subtilité que ce désopilant épilogue à Lucie.
Dans le même esprit, Leloup s’éparpille joyeusement. À 17 chansons, on devine qu’il ne donne pas dans la concision et que l’effort de triage n’aurait pas échappé à un perfectionniste.
On peut se demander ce que font des chansons comme Laisse-toi haller, entre autres, sur un album qui aurait sans doute bénéficier d’être resserré.
Certains jugeront également que l’artiste se perd dans de longs jams, comme sur Old Lady Wolf qui rappelle certains trucs semi rappés, semi racontés, issus de Mexico, ou la finale exacerbée de Monkey’s Suicide (qui culmine à plus de dix minutes à elle seule).
Mais la liberté de création a un prix et Leloup, on le sait, préfère la liberté à la perfection, avec tout ce que ça demande de patience et de compromis à son auditoire. Tel est le personnage, à prendre ou à laisser.
Toutefois, ceux et celles qui sauteront par-dessus ces barbelés apprécieront grandement l’humour grinçant de Célérats et Les Anges, la tendresse des Moments parfaits, le funk décapant de Old Lady Wolf et Lucie et des tas d’autres bons moments qu’il fera bon réécouter pendant longtemps.
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